Traumapsy
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Faire reconnaître le traumatisme psychique, aider les personnes qui en sont victimes et former les professionnels de santé à sa compréhension et à sa prise en charge. Association à but non lucratif, sans appartenance philosophique, politique ou religieuse.

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Covid-19 Quand le chagrin est confiné, faire son deuil peut être compliqué.

En France, au plus fort de la première vague de COVID-19, le nombre quotidien de décès de la COVID-19 ou d’une autre maladie était à plus de 2500 engendrant un nombre considérable de personnes endeuillées.
Pour la plupart des personnes endeuillées, le deuil évolue favorablement en général en une année à partir de la date du décès. Cependant, des complications peuvent survenir en lien avec le contexte du décès, la relation avec le défunt et son âge. Les enseignements des contraintes sanitaires de la COVID-19 ont permis aux experts du Centre National de Ressources et de Résilience du psychotrauma de mieux connaitre les facteurs susceptibles de compliquer le deuil, repérer les signes de complication, proposer des pistes pour aider les proches endeuillés.


« Le chagrin du deuil ne meurt jamais totalement, mais il change. C’est un passage, pas une halte éternelle. Ce n’est ni un signe de faiblesse, ni un manque de foi en la vie. C’est le prix de l’Amour. »
Citation sur internet


Comment les personnes endeuillées peuvent-elles être aidées à surmonter les obstacles liés à la crise sanitaire ?

Durant l’hospitalisation.
Quelle que soit la cause de l’hospitalisation les visites sont limitées ou empêchées totalement.
La communication d’informations claires entre la personne en fin de vie, ses proches, l’équipe soignante et sociale est d’autant plus nécessaire. Elle permet aussi de recueillir les directives prévues pour les soins à continuer ou non, les obsèques, les volontés testamentaires ou tout autre sujet ayant du sens pour la personne en fin de vie, les interrogations sur la prise en charge financière, tutelles etc…
Pour cela il faut charger un proche de faire le relais entre l’équipe soignante et le reste de la famille. Tant que l’être aimé est conscient et réceptif, on peut essayer d’organiser une fois par jour, un appel ou une vidéo par téléphone (Whatsapp, Messenger etc) avec l’aide d’un soignant. Puis quand la fin est proche, la vidéo risque de créer un insoutenable sentiment d’impuissance pouvant éventuellement être traumatisant. Ne pas laisser partir seul l’être aimé est le souci majeur, « même dans le coma, il peut nous entendre » disent certains. L’enregistrement de messages d’amour et d’au-revoir, envoyé à un soignant référent qui va assister le défunt en fin de vie permet « d’avoir été ensemble » au moment du départ, d’avoir fait « le maximum » dans ces circonstances extrêmes. On peut demander aussi au soignant de prévoir la prise d’une photo du défunt, de la mettre dans le dossier de soin, afin que la disparition soit bien réelle, même si on n’a pas pu voir, toucher, étreindre le corps mis immédiatement en cercueil fermé.

L’annonce du décès et les quelques jours qui suivent.
L’annonce et l’échange avec un soignant qui a accompagné la personne en fin de vie doit permettre de savoir et comprendre le mieux possible les circonstances du décès. C’est toujours un choc qui peut causer un véritable traumatisme psychologique : si la personne endeuillée est plongée dans un état second, sidérée, sans ressentir aucune émotion, il faut l’accompagner chez un médecin, de même en cas de grande agitation anormale par rapport aux coutumes, d’une activité toute orientée vers un seul but, la perte semblant n’avoir aucune importance. Il ne faut pas hésiter à accepter les offres de soutien psychologique, spirituel, religieux, social (aide aux démarches funéraires, financières et administratives).

L’organisation des « funérailles ».
Que l’on soit croyant ou laïque, les cérémonies funéraires sont importantes. Elles marquent le décès, le sens du passage à la mort d’une personne, honorent sa mémoire, rassemblent la famille élargie, les amis et la communauté. Elles donnent une place à la souffrance et soutiennent les proches dans la traversée du deuil qui s’amorce.
Les traditions ne peuvent être maintenues en période de crise sanitaire : pas d’adieu, pas de corps, un cercueil fermé, parfois même pas de présence religieuse. Les pompes funèbres peuvent proposer selon leurs possibilités et la réglementation quelques mots d’hommage ou toute autre manière, même simple ayant du sens, de partager des émotions autour du corbillard ou du cercueil au cimetière ; faire une vidéo (Whatsapp, Messenger etc) pour ceux qui ne peuvent être présents. On pourra éventuellement réunir famille, amis etc une fois les mesures sanitaires levées pour une cérémonie plus traditionnelle.
Mais cela est-il suffisant pour faire face « après »…

Qu’est-ce que le deuil ? Quelles en sont les manifestations en cas d’évolution favorable ?
Le deuil est un processus naturel qui suit la mort d’un être aimé.
Déstabilisée, la personne endeuillée apprend progressivement à accepter pleinement le caractère définitif de la perte, à aimer autrement le défunt et à définir de nouveaux objectifs de vie. Au fil du temps, la douleur profonde ressentie s’atténue ; un sens de la vie ainsi qu’un sentiment de satisfaction dans la vie réapparait.
Les caractéristiques et l’évolution du deuil diffèrent pour chaque personne et chaque décès, selon sa religion et sa culture. Néanmoins, il est possible d’identifier en général :
• Une détresse profonde liée à la séparation, un désir ardent de revoir le défunt.
• Des pensées, des souvenirs ou des genres d’hallucinations qui reviennent constamment.
• Une grande solitude affective, de vide et d’anxiété à propos de l’avenir sans le défunt.
• Des émotions comme la colère, l’injustice, la culpabilité ou encore des remords.
• Une perte d’intérêt pour les autres et pour diverses activités professionnelles, sociales.
• De la confusion et de la désorientation, sur soi, sur sa place dans la famille, la société.

Souvent des signes de stress sont parfois présents comme le cœur qui s’emballe, la hausse de la tension artérielle, des difficultés à se concentrer et à se souvenir, à bien dormir, des douleurs physiques.
Puis l’intensité de la douleur diminue au fil de l’adaptation à la perte, mais elle peut ressurgir dans des périodes particulières coïncidant avec l’anniversaire du décès ou du défunt, ou encore avec des fêtes et moments familiaux ou personnels particuliers. Des hauts et des bas, mais la douleur de la perte devient tolérable car on parvient à s’ajuster à la mort de l’être aimé et à ses conséquences.
Aucune règle ne peut véritablement fixer le temps nécessaire pour atteindre ce nouvel état d’équilibre. Cependant, plus les liens avec le défunt sont forts, plus ce temps est long et peut demander parfois plusieurs années.
En général, après les six premiers mois, certaines personnes endeuillées auront bien avancé sur le chemin du deuil, d’autres pas, sans que cela ne soit préoccupant pour autant. Au bout d’un an, malgré des moments de douleur et de manque, un apaisement se manifeste. Bon nombre de personnes auront parcouru une belle distance, parfois sa totalité vers la fin du deuil. Au bout de deux ans, chaque événement significatif d’une année : anniversaire du décès, ou autre lié à la relation avec l’être aimé se sont passés au moins une fois sans lui. Quelques poches de douleur peuvent persister, mais celles-ci n’entraînent aucun blocage et la route se poursuit.

La proportion des personnes endeuillées qui souffre de complications est estimée au global à 7% mais de 10 à 20% chez les personnes confrontées à la mort de leur partenaire et à 60% chez celles de la mort d’un enfant.

Quels sont les facteurs qui peuvent contribuer à compliquer le deuil ?
• La personnalité et la culture d’origine de la personne endeuillée.
• La nature de ses relations avec le défunt, des graves conflits avec les proches.
• La soudaineté, la violence du décès, ses conséquences anormalement stressantes.
• L’âge jeune du défunt.
• Une faible place accordée aux cérémonies funéraires.
• Le manque de soutien familial, amical, social.
• Des difficultés financières majeures.

Quels sont les autres facteurs liés à la crise Covid-19 pouvant aussi compliquer le deuil, qui est affaire individuelle, de communauté et aussi de société ?

Au niveau collectif :
• Un climat général d’incertitude et de menace vitale générant peur et angoisse, perte de sens, sens de la vie et de la mort, dans la population,
• La perte des repères habituels en raison des mesures sanitaires qui désorganisent toutes les routines.
Au niveau individuel :
• Un sentiment de culpabilité, d’injustice, lié à la transmission éventuelle du virus au défunt ou au fait d’avoir « survécu »,
• L’éventualité de multiples deuils simultanés ou se chevauchant dans le temps,
• L’accompagnement limité voire impossible de son proche en fin de vie, qui empêche d’assurer les au revoir nécessaires au commencement d’un travail de séparation,
• L’accès limité voire impossible au corps du défunt qui empêche d’attester de la réalité de la mort,
• L’isolement et le manque de soutiens familiaux et amicaux en raison des mesures de confinement et de distanciation sociale,
• les mesures barrières empêchant les gestes d’affection.
• Le bouleversement des préparations et cérémonies funéraires dont certaines sont impossibles comme :
-  les soins apportés au corps du défunt (toilette, habillage, enveloppement, etc.)
-  la veillée du corps du défunt, et la participation à la mise en bière,
-  la cérémonie restreinte avec le choix difficile des participants en raison des restrictions de regroupement, et même parfois impossible, sans organisation religieuse ou spirituelle, sans accès aux lieux de cultes et aux cimetières,
- 
• Dans certaines communautés, l’impossibilité de rapatrier la dépouille du défunt au pays en raison de la fermeture des frontières.

Complications du deuil au-delà du délai considéré comme normal dans l’environnement de l’endeuillé.
• L’impossibilité d’accepter que le défunt soit définitivement parti, laisser en l’état toutes ses affaires comme s’il allait revenir, continuer la routine comme s’il était là, parler avec lui comme s’il était là, par exemple.
• Continuer à ruminer, ressentir du désespoir, de la culpabilité, de l’anxiété, du ressentiment.
• Sur-réagir dès l’évocation de la perte, avec un trop plein d’émotions et de ressenti physique.
• Ou au contraire éviter tout ce qui évoque sa perte. Le refus des émotions et de la douleur en devenant hyperactif pour maintenir toutes les émotions à distance.
• Etre convaincu que seul le retour du défunt peut être la solution pour retrouver le bien-être, tant le manque est puissant. Etre envahi constamment par des pensées ou des souvenirs du défunt.
• Avoir des désirs de mort, qui s’ils sont forts et persistants peuvent conduire au pire. Il est alors nécessaire de consulter ou faire consulter un médecin généraliste ou un psychologue ou un psychiatre dans un service d’urgence ou médico-psychologique.
• Des épisodes maniaques, dépressifs.
• Une augmentation de la consommation d’alcool, de tabac. Un changement des habitudes alimentaires.

Ces pensées, sentiments et comportements prennent le dessus sur la vie personnelle, professionnelle, sociale et contribuent à l’isolement, la dévalorisation de soi, la culpabilité, la honte, le stress : On voit qu’on ne va pas bien, qu’on est différent de ce que l’on devrait être, on a l’impression de gêner notre entourage, d’être incompris et d’être évité. Ou alors on est dans le refus total, la colère dès que le sujet est abordé et on s’isole.

Comment en sortir ?
Le deuil est l’affaire de soi mais aussi de tous : chacun, à son niveau, peut aider ou contribuer à sa progression, depuis les proches (famille, amis, collègues, voisins, etc.) jusqu’aux membres de la communauté d’appartenance.

Les formes d’accompagnement et d’aide sont multiples :
• Soutien de professionnels de santé dans l’amorce du deuil pour identifier ses risques de complication, ou par la suite quand la personne endeuillée peut éprouver des difficultés à se confier à ses proches ou à retrouver toutes ses marques. Il ne faut pas avoir peur ou honte de consulter, ce n’est pas un manque de faiblesse : c’est soigner une blessure qui ne se referme pas. Le deuil touche aussi les enfants. Souvent, les parents se sentent désarmés face à la situation et ne savent pas quoi dire à leur enfant, ne disant rien ou évitant de leur mieux d’évoquer la mort. Des associations spécialisées ainsi que des professionnels de santé (psychiatres, psychologues ou psychothérapeutes) formés à l’accompagnement du deuil existent et peuvent offrir une aide efficace. Il suffit souvent de quelques entretiens. Ces professionnels peuvent exercer en secteur libéral ou public ou dans une association spécialisée dans l’accompagnement du deuil. Dans tous les cas, ils doivent détenir un numéro ADELI et attester d’une formation dans le domaine.
• Soutien émotionnel : prise de nouvelles ou visite à la personne endeuillée (quand c’est possible…) pour écouter et partager la manière dont est vécue la perte, considérer la souffrance endurée, témoigner de la valeur du défunt.
• Soutien matériel, financier, informatif : don de jours de congés ou de R.T.T., prêt d’argent, aide aux taches remplies par le défunt, au quotidien (garde des enfants, courses…), offre d’informations ou de conseils techniques concernant les démarches administratives, etc.

Guides et recommandations existant :
Sites internet :
service public je dois faire face au décès d’un proche
Association Française d’Information Funéraire
Fédération Européenne Vivre son deuil
Empreintes accompagner le deuil
Centre National de Résilience et de Ressources du Psychotrauma
Fédération des Associations de Conjoints Survivants et de Parents d’Orphelins (FAVEC)

Réseau de soins en santé mentale :
• Consultations médico-psychologiques (CMP), coordonnées disponibles dans annuaires téléphoniques, ou internet. Ils dépendent souvent d’hôpitaux locaux.
• Centres régionaux du psychotraumatisme (CRP), téléphone et adresses sur CN2R
Réseau d’accompagnement social ou juridique :
• Les Centres communaux d’action sociale (CCAS). Se rapprocher de la mairie.

Dernière mise à jour le vendredi 6 novembre 2020, par Marie-Christine Millequand